mercredi 6 septembre 2017

120 battements par minute

de Robin Campillo avec Nahuel Pérez Biscayart, Arnaud Valois, Antoine Reinartz et Adèle Haenel. Sortie le 23/08/2017 (2h20). Grand Prix du Festival de Cannes 2017.

Début des années 90 à Paris. Act up est une association de lutte contre le Sida qui développe les actions choc pour se faire entendre des pouvoirs publics et des laboratoires pharmaceutiques.
Le temps presse, de nombreux malades meurent dans l'indifférence de tous. Nouvel arrivant au sein d'Act Up Paris, Nathan fait la connaissance de Sean dans les rangs des militants...

Plongée au cœur de l'association Act Up

Comme dans un documentaire, le réalisateur Robin Campillo nous fait découvrir les coulisses d'Act Up, ses interventions, son mode de fonctionnement. Dès les premières images, le spectateur est immergé au coeur d'une action choc des militants, en quasi caméra subjective mais sans en connaître immédiatement l'issue. De manière astucieuse, le réalisateur ménage le suspense et nous fait découvrir le déroulement des faits en séance de débriefing lors d'une réunion hebdomadaire du groupe.

Avec les nouveaux arrivants, on découvre alors les débats qui entourent les projets d'actions de l'association engagée pour faire avancer la lutte contre le Sida. Les débats sont houleux et les points de vue très partagés entre défenseurs du dialogue et partisans de la manière forte. Certains malades, excédés par l'indifférence dont il font l'objet de la part des pouvoirs publics et des laboratoires pharmaceutiques, poussent vers des actions radicales, au risque d'être exclus des débats politiques du fait de la violence de leurs actions...

Du collectif au privé : l'histoire de Nathan et Sean

Dans ce contexte collectif inspiré de sa propre expérience au sein d'Act Up, Robin Campillo a choisi d'inscrire une histoire privée, celle de la rencontre entre Nathan et Sean. On entre ici dans la sphère intime d'une relation construite dans l'urgence du moment que fait très bien ressentir le réalisateur. Et puis il y a la maladie, toujours plus présente physiquement - envahissante, dérangeante.

On sort du film heurté, bousculé, ébranlé... à la fois par le radicalisme de certaines actions que par la souffrance physique et psychologique des malades qui ne voient pas d'avancées dans les traitements. 120 battements par minutes est un film choc auquel on ne reste pas indifférent. Pourtant, je ne suis jamais complètement rentrée dans le film bien qu'intéressée par les scènes de débats chez Act Up et touchée par les personnages incarnés avec finesse et conviction. Et vous ?

jeudi 24 août 2017

Que dios nos perdone


De Rodrigo Sorogoyen, avec Antonio de la Torre (Inspecteur Velarde), Roberto Álamo (Inspecteur Alfaro), Javier Pereira (Andrès Bosque)...
Sortie 9 août 2017 (2h 06 min). Prix Sang neuf au festival de Beaune 2017.

Madrid, août 2011. Deux équipes de policiers que tout oppose traquent un violeur et tueur en série dans la ville occupée par les Journées mondiales de la Jeunesse et les manifestations des Indignés. Leur enquête doit rester discrète pour ne pas alerter les journalistes présents en nombre dans la capitale espagnole...

Un groupe d'enquêteurs de chocs...

Voilà un film policier à ne pas rater cet été 2017. D'abord pour son scénario original et sa mise en scène maîtrisée. J'aime beaucoup la façon dont le réalisateur Rodrigo Sorogoyen nous amène à découvrir les caractères des quatre policiers enquêteurs du film.

A commencer par l'inspecteur Alfaro dont le caractère sanguin lui a valu d'être mis à pied du commissariat pour violence aggravée sur un collègue ; puis son binôme imposé, l'inspecteur Velarde , repoussé de tous à cause de son bégaiement. Enfin, la seconde équipe formée par les inspecteurs Alonzo et Bermejo obligée de collaborer avec leurs collègues qu'ils détestent.

Quelle bonne idée d'avoir imaginé ce flic bègue et introverti évoluant au milieu d'une meute de flics à cran prêts à exploser de violence à la moindre occasion ! Sa maladresse et sa persévérance incarnées avec finesse par l'acteur Antonio de la Torre (vu dans Volver et la Isla Minima) apportent je trouve contraste et nuance à l'intrigue.

... amenés à composer dans un contexte violent et contrasté

Et puis il y a l'atmosphère tendue de cet été 2011 à Madrid qui joue également un rôle dans le film. Le contexte de l'intrigue choisi par le réalisateur évoque bien le rôle de la violence de notre société sur l'homme.

Entre l'opposition des anti-catholiques à la venue du Pape Benoît XVI à Madrid et les manifestations des Indignés Puerta del Sol, la Police se heurte à des obstacles dont elle n'a pas vraiment besoin et qui ajoutent une dimension à la perversité de l'intrigue.

Bref, tous les ingrédients sont réunis dans ce film pour en faire un polar original et surprenant. Un bon moment de cinéma à ne pas manquer avant la rentrée !

mercredi 7 décembre 2016

Sully


de Clint Eastwood, avec Tom Hanks (Chesley 'Sully' Sullenberger), Aaron Eckhart (Jeff Skiles), Laura Linney (Lorrie Sullenberger). Sortie le 30/11/2016 (1h36).

Sully, c'est Chesley Sullenberger, commandant de bord de l'US Airways 1547 qui avait amerri sur l'Hudson avec son Airbus A320 le 14/01/2009. Il sauvait ainsi les 155 passagers d'un vol intérieur New-York/ Charlotte qui aurait pu se terminer tragiquement. Retour sur cet événement marquant qui interroge l'image du héros américain.

Au-delà de la figure du héros

Un an après American Sniper, Clint Eastwood dresse une nouvelle fois le portrait d'un héros américain en portant au cinéma le récit du pilote Sullenberger qui avait réussi à sauver tous les passagers du vol qu'il commandait en se posant sur l'Hudson River.

Notons pourtant que le réalisateur va bien au-delà du seul "regard" du pilote sur les événements en choisissant dans son film de nous proposer différents points de vue sur les faits, donnant ainsi l'impression que l'action collective a permis à cette histoire d'avoir une issue positive.

C'est bien l'expérience et le sang froid du pilote chevronné qui a permis de poser l'avion sur l'eau sans provoquer de crash mais Clint Eastwood souligne également au passage que l'intervention des gardes-côtes a été importante dans le sauvetage des rescapés.

Enquête sur un crash annoncé

Plus qu'un film d'action et une simple reconstitution de la panne moteur due à une collision avec des oies, le film nous montre également les conséquences de cet événement aux yeux du monde. Tout d'abord sa médiatisation outrancière puis les accusations portées à l'encontre du pilote.

D'abord tribunal à charge contre le commandant de bord accusé de ne pas avoir suivi les consignes qui lui auraient permis de poser l'avion sans encombre sur l'un des aéroports les plus proches, l'enquête menée par la compagnie et ses assurances après l'accident prend une nouvelle tournure au fil des audiences.

Clint Eastwood sait ménager le suspense durant ces auditions qui auraient pu paraître trop techniques et nous conduit à voir la vérité sous un autre angle. Quant à Tom Hanks, il est une fois de plus impeccable dans le rôle du protagoniste de l'histoire qui ne se prend pas du tout pour un héros. Bref, un film de divertissement intelligent comme sait très bien les faire Clint Eastwood.

A ne pas manquer pendant le générique de fin du film : un petit bonus qui permet de voir le vrai Sully et ses passagers rescapés.

mardi 25 novembre 2014

Quand vient la nuit


de Mickaël Roskam, avec Tom Hardy, James Gandolfini, Noomi Rapace, Matthias Schoenhaerts (1h47).
Bob Saginowski est barman chez son cousin Marv' dans le quartier de Brooklyn. Taciturne, il observe avec détachement la circulation d'argent mafieux transitant par les bars du coin. Jusqu'au jour où son bar est victime d'un braquage...

Après la Belgique, l'Amérique pour Mickaël Roskam

Après le très remarqué Bullhead, le réalisateur flamand Mickaël Roskam s'est vu offrir pour son premier film américain la mise en scène d'un scénario de Dennis Lehane, auteur de Mystic River et de Shutter Island.

Avec une partie de son équipe belge parmi lesquels Raf Keunen à la composition musicale et Nicolas Karakatsanis à la photographie, il s'est attaché à reconstituer un Brooklyn terne et corrompu dans lequel tout est à vendre, y compris les églises que l'on transforme en immeubles d'habitation.

Dans ce monde interlope qui a perdu une grosse partie de ses valeurs, son personnage principal, fait figure de résistant en s'évertuant à sauver un chien battu et laissé agonisant dans une poubelle. Et si cette mission à laquelle Bob accorde beaucoup d'importance cachait un non-dit ?

Une brochette d'acteurs cosmopolite

Après avoir terrorisé Gotham City dans le dernier volet de la trilogie Batman réalisée par Christopher Nolan (The Dark Knight rises), l'anglais Tom Hardy trouve ici un rôle beaucoup plus ambigu qu'il n'y paraît aux côtés de la suédoise Noomi Rapace découverte dans Millenium, de l'américain James Gandolfini popularisé par la série des Sopranos et du belge Matthias Schoenhaerts, acteur fétiche de Mickaël Roskam repéré dans Bullhead et confirmé dans De rouille et d'os.

Certes, le scénario n'est pas un chef d'œuvre d'intrigue et de tension comme La nuit nous appartient de James Gray auquel le titre français semble faire implicitement référence. Mais il nous réserve néanmoins de belles surprises. Quand vient la nuit réussit à interroger le spectateur sur la difficulté de vivre de manière intègre dans un milieu corrompu.

Un film à voir pour retrouver l'ambiance des polars américains et se laisser surprendre par l'ambivalence du personnage principal.

jeudi 16 octobre 2014

Leviathan

d'Andreï Zviaguintsev avec Alexeï Serebriakov, Elena Liadova, Vladimir Vdovitchenkov (2h21). Prix du scénario au festival de Cannes 2014.

Kolia est garagiste dans une petite ville de bord de mer, au nord de la Russie. Il y vit tranquillement avec sa jeune femme Lylia et son fils Roma, qu’il a eu d’un précédent mariage.

Jusqu'au jour où Vadim Cheleviat, Maire de la ville, décide de s’approprier -de gré ou de force- le terrain où se trouve la maison de Kolia. Comme il refuse de vendre, le maire se fait de plus en plus menaçant...

Entre métaphore biblique et conte politique

Monstre marin à plusieurs têtes évoqué dans la Bible (Psaumes, Livres de Job et d'Isaïe) et dans la poésie hébraïque, le Léviathan est souvent associé à la bête de l'Apocalypse représenté sous des allures de dragon, mi-serpent mi-crocodile.

Mais Leviathan est aussi le titre d'un essai philosophique et politique du théoricien anglais Thomas Hobbes. Dans son essai qui se veut la base d'une science de la morale et de la politique, Hobbes définit un état de nature dans lequel "l'homme est un loup pour l'homme".

Le seul moyen de lutter contre l'instabilité et l'insécurité de cet état de nature serait pour les individus de se fédérer et de confier leur défense à un souverain au pouvoir absolu chargé de faire régner l'ordre au sein de l'Etat. Que deviendrait cependant le peuple dans un Etat souverain omnipotent gouverné par des dirigeants peu scrupuleux, semble interroger le film ?

Un film sombre et puissant

Métaphore biblique ou conte philosophique, le Leviathan d'Andreï Zviaguintsev est un film sombre, sans doute encore plus grave que son précédent film, Elena.

Il y a très peu d'espoir dans cette Russie de Poutine et des oligarques russes que nous décrit le réalisateur russe. Ici, la vodka semble bien être le seul remède, précieux breuvage annihilant partagé par le peuple et les nantis évoluant dans une société délétère où même la religion n'apparaît plus comme un refuge.

On en sort groggy et soulagé de vivre dans une démocratie !